Durcissement des conditions d’accès au droit au séjour des mères d’enfant français
Publié le :
27/02/2019
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Jusqu’au 1er mars 2019, le parent étranger d’un enfant français pouvait obtenir une carte de séjour temporaire à condition de démontrer qu’il contribuait effectivement à l’entretien et l’éducation de son enfant, en vertu du 6° de l’article L.313-11 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile. A compter de l’entrée en vigueur de la loi du 10 septembre 2018, ces dispositions sont modifiées.
On distinguera désormais deux situations : celle de l’enfant né d’un couple marié, et celle de l’enfant né d’une union libre.
Le Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile prévoit en effet que lorsque la filiation est établie « en application de l'article 316 du code civil », le demandeur justifie que l’auteur de la reconnaissance contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, « ou produit une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant ».
En l’occurrence, l’article 316 du code civil prévoit les modes d’établissement de la filiation autres que la désignation du nom de la mère dans l’acte de naissance en premier lieu, s’agissant de la filiation maternelle, et la présomption de paternité en second lieu, s’agissant de la filiation paternelle.
Depuis l’ordonnance du 4 juillet 2005, le droit ne discrimine plus les enfants dits « naturels » en matière de filiation maternelle ; alors qu’auparavant, la mère non mariée devait reconnaître son enfant pour établir un lien juridique avec celui-ci, la seule mention de son nom dans l’acte de naissance suffit désormais à créer le lien de filiation.
De facto, le père étranger d’un enfant français ne sera donc pas concerné par la réforme à l’exception de très rares cas, puisque la filiation sera établie entre l’enfant et la mère sans que cette dernière n’ait besoin de le reconnaître.
En pratique, l’article 55 de la loi du 10 septembre 2018 ne va donc restreindre les conditions d’accès au droit au séjour que des mères étrangères et non mariées d’enfant(s) français.
Le législateur crée autrement dit une présomption de fraude à l’égard de la mère étrangère, dès lors que celle-ci n’est pas mariée à l’homme qui a transmis sa nationalité à l’enfant. On présuppose ainsi que la reconnaissance est en soi douteuse, et la loi exige de la mère que cette dernière prouve, soit que le père de son enfant remplit effectivement son rôle paternel de son plein gré, soit en tout cas qu’elle a tenté de l’y contraindre en saisissant le juge aux affaires familiales.
Concrètement, cette réforme réintroduit en droit positif une discrimination à l’égard de l’enfant naturel. Tandis que la mère de ce dernier devra justifier de la réalité d’une relation effective – volontaire ou contrainte – entre l’enfant et son père, la mère de l’enfant dit « légitime » n’aura pas à en justifier. C’est donc la double peine pour l’enfant né d’une union libre et dont le père aura cessé de s’occuper ; à la démission du père s’ajoutera la précarisation de la situation de sa mère, qui ne pourra obtenir la délivrance d’une carte de séjour et sera privée de toute protection contre un éloignement forcé.
Si l’on ne peut ignorer l’objectif poursuivi par le législateur, à savoir lutter contre les reconnaissances frauduleuses, on peut regretter les moyens employés, lesquels ne vont affecter que des foyers déjà en grande précarité. C’est en effet à la famille dite « mono-parentale » que l’on va s’attaquer et, si le nouvel article L.313-11, 6° du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile prévoit un tempérament au principe en précisant que l’on pourra y déroger au regard du respect dû au droit à la vie privée et familiale normale et à l’intérêt primordial de l’enfant, on peut craindre que, dans les faits, ce garde-fou apparent ne soit qu’une déclaration de bonnes intentions.
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