Du contrôle d’identité au centre de rétention : que se passe-t-il lorsque la police arrête un « sans-papier » ?
Publié le :
27/10/2020
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Lorsque la police procède à des contrôles d’identité, elle vérifie que les personnes contrôlées ont un titre de séjour en cours de validité. Si un individu ne peut justifier de la régularité de son séjour sur le territoire français, il est emmené au poste de police pour une mesure de retenue pour vérification du droit au séjour. La retenue n’est pas une garde à vue. Elle ne répond donc pas au même régime juridique, même si elle tend à s’en rapprocher. En l’occurrence, la retenue est encadrée par l’article L. 611–1-1 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile.
L’étranger placé en retenue a notamment le droit de prévenir lui-même ses proches, d’être assisté par un interprète, de bénéficier d’un avocat, de voir un médecin ou encore de faire prévenir son consulat. Le procureur de la République doit être informé de la mesure, dont la durée ne doit pas excéder 24 heures.
Pendant la retenue, la police procède à une audition. Les questions posées portent sur le parcours migratoire de l’intéressé, sa durée de présence en France, sa situation familiale et professionnelle. Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 10 septembre 2018, le recours à la prise d’empreintes et de photographies est systématique. Différents fichiers sont consultés, notamment le fichier européen « visabio » qui est une base de données biométriques à l’échelle européenne.
Une fois les investigations terminées, la préfecture est avisée et prend une décision en fonction de la situation de l’intéressé. On retrouve alors plusieurs cas de figure. Si la personne arrêtée fait déjà l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF), notifiée depuis moins d’une année, elle est en général placée en rétention mais il n’est plus possible de contester l’obligation de quitter le territoire français. Si la personne arrêtée ne fait pas déjà l’objet d’une mesure d’éloignement, la préfecture prend à son encontre une obligation de quitter le territoire français, en général sans délai de départ volontaire, assortie d’une interdiction de retour sur le territoire français et bien souvent d’un placement en rétention, bien qu’elle ait la possibilité d’assigner à résidence. Le compte à rebours est alors enclenché car les délais de recours sont extrêmement courts.
On ne dispose en effet que de 48 heures pour saisir le tribunal administratif d’un recours contre l’obligation de quitter le territoire français, d’une part, et le juge des libertés et de la détention d’une requête dirigée contre le placement en rétention d’autre part. Raison pour laquelle, si l’on souhaite mandater un avocat, il faut contacter ce dernier le plus tôt possible dès que l’on a connaissance d’une arrestation.
Le préfet dispose également de 48 heures pour demander à être autorisé à prolonger la rétention pour une première période de 28 jours.
Ainsi, deux juges différents, appartenant respectivement à l’ordre judiciaire et l’ordre administratif, vont se prononcer :
- sur la légalité de la procédure ayant conduit au placement en rétention, y compris le contrôle d’identité et la mesure de retenue, mais aussi sur la demande du préfet pour prolonger la rétention, en ce qui concerne le juge des libertés et de la détention
- Sur la légalité de l’obligation de quitter le territoire français, en ce qui concerne le juge administratif
Les audiences se tiennent dans des lieux différents, en fonction du centre de rétention dans lequel la personne concernée a été amenée. En Île-de-France, par exemple :
- Les retenus placés au Mesnil-Amelot (aéroport de Roissy Charles de Gaulle) sont convoqués devant le Juge des Libertés et de la Détention dans une annexe adjacente au centre, et devant le Tribunal Administratif de MELUN
- Les retenus placés au centre de rétention de Vincennes sont convoqués devant le Juge des Libertés et de la Détention de Paris et devant le Tribunal Administratif de Paris
- Les retenus placés au centre de rétention de Plaisir (78) sont convoqués devant le Juge des Libertés et de la Détention de Versailles et devant le Tribunal Administratif de Versailles
- Les retenus placés au centre de rétention de Palaiseau sont convoqués devant le Juge des Libertés et de la Détention d’Evry et devant le Tribunal Administratif de Versailles
Que peut faire l’avocat ?
Tout d’abord, l’avocat peut contester les arrêtés portant obligation de quitter le territoire français et placement en rétention, dans le délai de 48 heures.
Le Tribunal Administratif ne juge que de la légalité de l’obligation de quitter le territoire français et le cas échéant, de l’interdiction de retour sur le territoire français dont elle est assortie. Autrement dit, il ne se prononce ni sur la procédure qui a conduit au placement, ni sur le placement en rétention en lui-même. Le rôle de l’avocat devant le Tribunal Administratif consiste donc à convaincre le juge de l’illégalité de l’obligation de quitter le territoire français, soit en mettant en avant des irrégularités de la décision, soit en démontrant que le Préfet a commis une erreur de droit (inexacte application d’un texte législatif ou réglementaire), une violation d’un texte international, ou encore une erreur manifeste d’appréciation. L’annulation de l’obligation de quitter le territoire met fin à la rétention.
Devant le juge des libertés et de la détention, qui statue au tribunal judiciaire, le rôle de l’avocat est primordial, notamment lors de l’audience de première prolongation, qui a lieu trois ou quatre jours après l’arrivée au centre de rétention. En effet les vices de procédure qui permettent de faire annuler le placement (par exemple si le contrôle d’identité était abusif ou que les droits de la personne pendant la retenue pour vérification du droit au séjour n’ont pas été respectés), ne peuvent être soulevés qu’à l’occasion de cette première audience.
Pourquoi l’administration sollicite-t-elle la remise du passeport ?
La rétention a pour but de permettre à l’administration de faire exécuter la mesure d’éloignement. Pour procéder à la reconduite, ce qui en pratique consiste à acheminer l’étranger jusqu’à l’avion, la préfecture a besoin du passeport de la personne retenue, ou d’un laissez-passer consulaire, sauf-conduit. Si le passeport n’a pas été remis, la préfecture est tenue de solliciter le consulat du pays d’origine de l’intéressé, pour confirmer l’identité de la personne, sa nationalité, et le cas échéant délivrer un laissez-passer.
Remettre son passeport est une condition pour obtenir une assignation à résidence au lieu du placement en rétention. Il s’agit aussi d’une mesure privative de liberté, mais elle est moins attentatoire car la personne qui en fait l’objet est contrainte à demeurer chez elle, à la disposition de l’administration, le temps nécessaire à la mise en œuvre de sa reconduite à la frontière. L’assignation à résidence est toujours assortie d’une obligation de pointage au commissariat.
Autrement dit, si la remise du passeport permet dans certains cas de mettre fin à la rétention, elle ne met pas fin pour autant à l’obligation de quitter le territoire français.
Que se passe-t-il si le placement est prolongé ?
Si le juge des libertés et de la rétention a rejeté les demandes de l’étranger en situation irrégulière, et que l’obligation de quitter le territoire français est confirmée par le Tribunal Administratif, la rétention est prolongée pour une première période de 28 jours.
A l’issue de cette première prolongation, si l’éloignement n’a pas été possible (notamment si le consulat n’a pas délivré de laissez-passer) le préfet saisit à nouveau le Juge des Libertés et de la détention afin de prolonger une seconde fois la rétention, cette fois pour une durée de 30 jours.
La rétention peut à nouveau être prolongée pour une période de 15 jours, renouvelable une fois, dans de strictes conditions.
Au total, la rétention ne peut en principe excéder 90 jours, sauf pour les retenus liés à des activités terroristes, dont la rétention peut durer jusqu’à 210 jours.
Si à l’issue de cette durée, la mesure d’éloignement n’a pas été exécutée, l’étranger concerné est remis en liberté. L’obligation de quitter le territoire français reste toutefois exécutoire pendant une année à compter de sa notification.
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