Quels sont les droits des anciens combattants – et de leurs enfants – en France ?
Publié le :
23/04/2019
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Nous sommes fréquemment interrogés par des descendants d’anciens combattants, sur les droits qui découlent de cette qualité. Beaucoup de ressortissants algériens notamment, mais aussi sénégalais ou encore maliens, comptent aujourd’hui parmi leurs grands-parents au moins un ancien appelé de l’armée française. A l’occasion de la découverte de documents relatifs aux états de service, voire à des décorations obtenues pour des faits de guerre, ils s’interrogent donc sur leur droit au séjour et à la nationalité française.
1/ le droit au séjour
L’article L.314-11 du Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile prévoit :
« Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : (…)
4° A l'étranger ayant servi dans une unité combattante de l'armée française ;
5° A l'étranger ayant effectivement combattu dans les rangs des forces françaises de l'intérieur, titulaire du certificat de démobilisation délivré par la commission d'incorporation de ces formations dans l'armée régulière ou qui, quelle que soit la durée de son service dans ces mêmes formations, a été blessé en combattant l'ennemi ;
6° A l'étranger qui a servi en France dans une unité combattante d'une armée alliée ou qui, résidant antérieurement sur le territoire de la République, a également combattu dans les rangs d'une armée alliée ; »
« 7° A l'étranger ayant servi dans la Légion étrangère, comptant au moins trois ans de services dans l'armée française, titulaire du certificat de bonne conduite (…) »
Ainsi l’engagement au sein ou au côté des forces armées françaises n’ouvre un droit au séjour qu’aux combattants eux-mêmes, et non à leurs descendants.
Il est important de préciser que les ressortissants algériens sont exclus de ce dispositif. En effet, les conditions de délivrance et de renouvellement de leurs titres de séjour, ainsi que leur nature et leur durée de validité sont régies exclusivement par l’Accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Pour les ressortissants tunisiens, l’accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié renvoie en son article 11 à la législation nationale (donc au Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile) pour tous les points non traités par l’accord. A notre sens, les ressortissants tunisiens doivent donc pouvoir se prévaloir de l’article L.314-11 précité.
Sur son site officiel, le Ministère de l’Intérieur indique quant à lui, s’agissant des ressortissants tunisiens, qu’ils « ne peuvent obtenir une carte de résident en vertu de leur passé d’ancien combattant ou d’ancien légionnaire » au motif que l’article 10 de l’accord franco-tunisien prévoit les conditions de délivrance de la carte de résident. Cette interprétation restrictive nous semble devoir être combattue. La clause de renvoi prévue dans l’accord bilatéral doit en effet pouvoir s’appliquer à toute situation non régie par l’accord ; autrement dit, ce n’est ni la nature de la carte demandée ni sa durée qui permettent de considérer qu’une situation est régie ou non par l’accord, mais les conditions de délivrance de cette carte. Dès lors que l’accord ne prévoit rien concernant la situation des anciens combattants, peu importe qu’il prévoie des situations dans lesquelles un ressortissant tunisien peut prétendre à une carte de résident, il faut considérer que l’accord renvoie au Code de l'Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d'Asile.
C’est d’ailleurs en ce sens que répondait le Ministre de l’Immigration, le 19 août 2010, à une question écrite posée par le sénateur de la Drôme Bernard Piras.
Le Ministre précisait à cette occasion qu’il n’était nullement « envisagé d'insérer dans la législation nationale des dispositions spécifiques pour l'admission au séjour des membres de familles et descendants d'anciens combattants ni d'insérer dans l'accord franco-algérien des dispositions en faveur des membres de famille et descendants d'anciens combattants, cette qualité étant essentiellement personnelle. ».
Demeure ainsi une constante : les descendants d’anciens combattants ne retirent aucun droit de l’engagement de leurs parents.
2/ l’acquisition de la nationalité française :
La naturalisation est facilitée pour les ressortissants étrangers engagés dans l’armée française. En vertu de l’article 21-19 du code civil, « l'étranger qui a effectivement accompli des services militaires dans une unité de l'armée française ou qui, en temps de guerre, a contracté un engagement volontaire dans les armées françaises ou alliées », est dispensé de la condition dite « de stage » ; autrement dit, aucune durée minimale de présence régulière en France n’est imposée pour déposer son dossier. En revanche, le caractère régulier du séjour reste un préalable à la demande de titre de séjour.
Par ailleurs, en vertu de l’article 21-14-1 du code civil, la naturalisation est accordée « sur proposition du ministre de la défense, à tout étranger engagé dans les armées françaises qui a été blessé en mission au cours ou à l'occasion d'un engagement opérationnel et qui en fait la demande. (…) »
Là encore, aucune disposition législative ne prévoit de faciliter l’acquisition de la nationalité aux descendants d’anciens combattants, à une exception près : en cas de décès d’un « étranger engagé dans les armées (…) à l'occasion d'un engagement opérationnel », l’enfant mineur de l’intéressé, qui résidait à ses côtés sur le territoire français au moment du décès, peut bénéficier d’une naturalisation sur proposition du Ministre de la Défense.
3/ la conservation de la nationalité française à l’issue des indépendances :
La question qui nous est le plus fréquemment posée est de savoir si, du fait de leur engagement au sein de l’armée française, les anciens combattants originaires des anciennes colonies françaises ont pu conserver de plein droit la nationalité au jour de l’accession à l’indépendance du territoire dont ils sont originaires.
En soi, le fait d’avoir combattu aux côtés de l’armée française n’a conféré aucun droit particulier aux intéressés. Cette conclusion est également valable pour les ressortissants algériens qui, à l’époque coloniale, étaient « sujets français » sans pour autant jouir de l’ensemble des droits des citoyens français.
Pour rappel, dans l’Algérie coloniale, on distinguait parmi les sujets entre ceux qui avaient le statut civil de droit local (désignés comme « indigènes » et / ou « français musulmans »), et ceux qui avaient été admis à la qualité de citoyen français, dits de « statut civil de droit commun ». Seuls ces derniers ont conservé de plein droit la nationalité française lors de l’indépendance, sans souscrire de déclaration recognitive.
On ne pouvait acquérir le statut civil de droit commun que par :
- décret pris en application du senatus consulte du 14 juillet 1865 [Texte fondateur sur la naturalisation et le droit des personnes en Algérie],
- jugement du tribunal de première instance, en application de la loi du 4 février 1919.
Le décret du 21 avril 1866 a ouvert très opportunément l'armée française et certaines fonctions et emplois civils à ceux qui avaient le statut civil de droit local.
Le service militaire ne constitue donc jamais une preuve de l'acquisition du statut civil de droit commun, pas plus que l'obtention de décoration, l'attribution d'une fonction administrative (caïd, adjoint indigène...), l'exercice d'un mandat électoral etc…
Pour les descendants des anciens combattants, il est donc vain de solliciter un certificat de nationalité française en se prévalant de la preuve des états de service d’un père ou d’un grand-père dans l’armée française.
Historique
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